dimanche 20 mai 2012

Interrogations sur la stratégie de Morgan Stanley pour Facebook



source: http://www.zonebourse.com
La première journée chaotique de Facebook en Bourse suscite une série de questions sur la stratégie très secrète adoptée par Morgan Stanley, la principale banque ayant participé au processus d'introduction sur le Nasdaq, pour cette opération pourtant très médiatisée.

Après un début de cotations retardé, l'action Facebook a passé l'essentiel de la séance de vendredi à tenter de se maintenir au-dessus du cours d'introduction de 38 dollars pour finir sur un gain de seulement 23 cents (+0,6%), à 38,2318 dollars. Voilà qui contraste avec les premières séances flamboyantes d'autres valeurs internet comme LindedIn ou Groupon.

Il est de ce fait fort possible Morgan Stanley ait dépensé plusieurs milliards de dollars pour soutenir le cours de Bourse au niveau de 38 dollars en achetant des actions sur le marché. Pour ce faire, la banque d'affaires a utilisé l'option de sur-allocation (greenshoe) de 63 millions d'actions qui était en réserve, explique-t-on de sources proches du dossier.

On peut avoir une idée du coût de ce maintien au-dessus du seuil psychologique de 38 dollars: si Morgan Stanley avait acheté toutes les actions qui se sont traitées à moins de 38 dollars dans les 20 dernières minutes de la séance, elle aurait dépensé près de deux milliards de dollars.

Les banques introductrices ne sont pas obligées de soutenir le cours de Bourse le premier jour, mais elles ont pour habitude de le faire. Morgan Stanley s'est refusée à tout commentaire.

Certes, l'absence de hausse de l'action Facebook le premier jour signifie a contrario que Morgan Stanley a obtenu le prix maximum pour son client.

En outre, le retard de 45 minutes dans les cotations en début de séance est imputable à des problèmes techniques du Nasdaq qui croulait sous un volume d'ordres énorme. Et comme pendant la séance, de nombreux investisseurs n'ont pas obtenu confirmation de l'exécution de leurs ordres de Bourse, cela a pu en inciter certains à vendre, accentuant ainsi le courant vendeur sur l'action.

En fin de journée, le Nasdaq a indiqué que les ordres entrés avant le début des cotations n'avaient pas été exécutés et a offert de les traiter pour les clients envoyant leur demande avant lundi. Le marché électronique devait travailler tout le week-end pour résoudre les transactions en suspens.

L'autorité boursière, la Securities and Exchange Commission (SEC), a fait savoir vendredi après la clôture des marchés qu'elle réexaminerait les problèmes de transactions sur Facebook.

CAVALIER SEUL

Il y a eu aussi des ratés du côté de Facebook. Le site communautaire a modifié sa prévision de résultat la semaine dernière, pendant la tournée de présentation aux investisseurs, fait rare et perturbant.

Cela dit, ces débuts mitigés illustrent aussi la stratégie de cavalier seul de Morgan Stanley lors du processus d'introduction auquel ont pourtant participé 32 autres établissements. La banque a mené un processus très secret, très contrôlé dont ont été exclus les autres établissements, y compris son vieux rival Goldman Sachs et JPMorgan Chase.

Morgan Stanley a conservé un contrôle très strict sur l'information et les quotas d'actions attribués, selon les autres établissements introducteurs.

"JPMorgan et Goldman ont été un peu frustrés parce qu'ils ont obtenu des informations limitées. Ils avaient pensé qu'ils seraient davantage impliqués dans le processus", dit-on de source proche du dossier. Goldman Sachs s'est refusé à tout commentaire. JPMorgan n'a pas rappelé après avoir été contactée.

En échange de sa mission, Morgan Stanley touchera 38% des honoraires de mise sur le marché, soit environ 67 millions de dollars, soit plus que JPMorgan et Goldman ensemble, selon les documents officiels de l'introduction en Bourse.

Plus important, Morgan Stanley a été la seule banque a parler activement aux investisseurs et capable de constituer le livre d'ordres. C'est rare pour une introduction en Bourse. D'habitude, les banques ont tendance à se partager plus équitablement le travail.

La quasi-totalité des banques introductrices ont été maintenues dans l'ignorance sur des données clés comme le changement de la fourchette de prix et la taille exacte de la mise sur le marché, une banque a surnommé l'opération : le "show Morgan Stanley".

En outre, la tournée de présentation du réseau social, lors de laquelle le PDG de Facebook Zuckerberg a été traité plus comme une rock star que comme un patron, n'a duré que neuf jours et non 12 comme le veut la tradition.

Et la sécurité a été si stricte que, dans les réunions organisées à New York, les participants devaient s'identifier plusieurs fois. Selon une personne interrogée, un des responsables même des ventes d'actions de Morgan Stanley a eu du mal à participer à un des déjeuners de présentation. Son nom avait été accidentellement oublié de la liste.

Danielle Rouquié pour le service français

par Nadia Damouni et Olivia Oran