dimanche 20 mai 2012

La Bourse s'interroge sur le modèle Facebook



Source: lemonde.fr
Ce ne fut pas la douche glacée, mais on est resté loin du succès espéré par ses promoteurs. L'introduction en Bourse, vendredi 18 mai, du réseau Facebook, valorisé la veille à 104,2 milliards de dollars (81,6 milliards d'euros), soit 38 dollars l'action, s'annonçait brillante, malgré les récentes mises en garde d'analystes quant aux doutes de nombreux investisseurs. Elle s'est soldée, à l'issue du premier jour de cotation, par une misérable progression de + 0,61 % de la valeur de l'action.

Proposé à 42,05 dollars à l'ouverture, le titre a pourtant vite décollé - jusqu'à + 12 % - avant de replonger lentement vers son cours initial pour ne quasiment plus en bouger, terminant la journée à 38,23 dollars. Il a même fallu que les banques menant l'opération interviennent pour que le cours ne termine pas sous le montant de son introduction, selon l'agence Bloomberg.

Dès la clôture, le débat a commencé : en fixant la valeur initiale de son action bien au-dessus des 34 dollars initialement prévus, Facebook ne s'est-il pas vu trop beau ? Certains analystes n'annonçaient-ils pas une poussée de 25 % de l'action Facebook lors de cette première cotation.

Dans la foulée de Facebook, des start-up technologiques de la même mouvance, comme la société d'achats groupés Groupon ou le réseau social LinkedIn, ont perdu, vendredi, respectivement 6,7 % et 5,9 %. Zynga, gros fournisseur de jeux proposés par Facebook, a reculé de 13,4 %.

Plutôt que de tirer son secteur vers le haut, l'entrée en Bourse a donc eu l'effet inverse. La déception des investisseurs a accompagné le processus : l'indice industriel Dow Jones a perdu 0,6 % sur la journée, bouclant sa pire période depuis près de quarante ans (octobre 1974) : 12 jours de baisse sur les 13 dernières séances. Le Nasdaq (valeurs technologiques) a aussi reculé (- 1,24 %).

A vrai dire, la journée avait mal commencé pour Facebook, avec un report de son opération d'une demi-heure en raison de problèmes sur les systèmes informatiques du Nasdaq, qui allaient se poursuivre durant la journée.

Pour autant, cela n'explique pas le relatif échec de cette entrée en Bourse. A l'évidence, une partie des marchés était plus suspicieuse que ne l'imaginait la jeune pousse si vite grandie.

Un des meilleurs exemples : l'attitude de la banque d'affaires Goldman Sachs, un des conseils de cette opération, avec Morgan Stanley et JPMorgan Chase. Goldman est aussi un des investisseurs importants qui ont accompagné le développement de Facebook. La banque devait vendre initialement 22 % des parts qu'elle y détenait. Mais, peu avant l'entrée en Bourse, elle a décidé de se séparer de la moitié d'entre elles.

D'autres investisseurs importants ont suivi le même mouvement : la société de capital-risque Peter Thiel a mis en vente 50 % de ses actions, au lieu des 22 % prévus.

Ces comportements ont été perçus par beaucoup d'investisseurs comme reflétant une incertitude quant à l'avenir. Ils sont venus s'ajouter à l'annonce, quatre jours plus tôt, par General Motors du retrait de ses budgets publicitaires investis dans Facebook, au motif que ces publicités n'ont pas d'impact sur ses ventes de voitures.

La part allouée à Facebook par le constructeur automobile dans ses dépenses avait beau être infinitésimale (10 millions de dollars sur un budget annuel de 1,8 milliard de dollars), l'impact, en termes d'image, a été très négatif.

Pour les investisseurs, l'une des questions-clés est de savoir comment un réseau, qui vit de ses recettes publicitaires, pourra justifier de tels niveaux de valorisation financière s'il ne devient pas rapidement, comme Google, une "pompe à pub".

Or, pour le moment, la stratégie du réseau pour attirer les annonceurs laisse ces derniers avec plus de questions que de réponses - même si, avec 1 milliard d'utilisateurs dans la ligne de mire, on voit mal comment les entreprises pourraient se passer de Facebook dans leur politique commerciale.

"Il y a un côté noir dans tout ce battage", notait, vendredi, l'analyste de Thomson Reuters, Robert Cyran : "Ce que Facebook va devenir, et même ce que le réseau veut devenir, n'est pas très clair." Cette indécision expliquerait, pour beaucoup, la frilosité des marchés après un "battage" sur son entrée en Bourse qui, effectivement, avait été très conséquent.

Sylvain Cypel